Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/63

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cette École célèbre aux yeux de l'Europe, et la cité mourante, magnifique dans ses plaisirs, pleine de grâce dans ses folies, excita une plus profonde adoration dans sa décrépitude que dans sa jeunesse : c'est entourée d'un cortège d'admirateurs qu'elle descendit au tombeau.

C'est donc de Venise seule que doivent partir les coups destinés à frapper l'art pernicieux de la Renaissance. Si on arrive à détruire à Venise ses droits à l'admiration, il ne s'en retrouvera nulle part. Je vais le tenter : je ne consacrerai pas une section spéciale à Palladio, je m'abstiendrai d'écrire des chapitres de vitupérations mais, en étudiant l'architecture première, je comparerai ces traits principaux à ceux qui la compromirent, et je m'arrêterai sur les bords de l'abîme de décadence dès que j'en aurai montré la profondeur.

J'userai, pour me venir en aide, de deux sortes d'évidence : j'aurai, par la première, les témoignages qui dénotent, chez les constructeurs, un manque de réflexion ou de sentiment (ce qui peut faire conclure que leur architecture était défectueuse). Par la seconde, j'espère éveiller l'impression de laideur systématique qui émane de cette architecture.

Voici deux exemples qui viennent à l'appui de mes dires :

Je rappelle l'importance par moi attachée à la mort de Carlo Zeno et du Doge Tomaso Mocenigo. Le tombeau de ce Doge, je l'ai dit, fut exécuté par un Florentin, mais il ne s'écarte pas du type habituel des tombes vénitiennes de cette époque. Bien que l'élément classique en dirige les détails, l'expression est celle de la nature. Comme dans tous les monuments de ce genre qu'on trouve à