Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/118

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comme on le fait dans mainte petite bourgade d’Italie, sur la colline fleurie de Fiesole ou dans l’île dépeuplée de Torcello, par exemple, et, des jeunes moissons, chaudes de soleil, vous avez passé sans transition aux vieilles et froides pierres où les mousses mêmes ne veulent plus croître. Elles aussi, tout d’abord, ne parlent qu’aux yeux. Vous admirez le modelé, le relief, le jeu des ombres sur ces débris, parfois le galbe d’un geste nu et la noblesse d’une draperie chiffonnée, mais à moins d’être un praticien vous-même, votre attention se détourne si votre curiosité intellectuelle n’est point attachée. Ces débris au fond de ces salles froides, gisant sur les marbres noirs des musées britanniques ou dressés dans les niches des glyptothèques allemandes, sont si loin de la vie ! Ils touchent si peu à tout ce que nous savons de l’économie du monde, à tout ce que nous ressentons de ses passions ou de ses douleurs, à tout ce que nous aimons de ses plaisirs… Ils y touchent ! nous dit alors l’esthéticien qui a laissé là ses iris et qui sur la pierre morne et froide, sur un fragment de draperies sculptées, pose un doigt qui fait jaillir de la masse l’idée qui l’agita :

Toute noble draperie, soit en sculpture, soit en peinture (sans tenir compte pour le moment de la couleur ni du tissu), remplit, pour autant qu’elle est quelque