Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/119

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chose de plus qu’une nécessité, l’une de deux grandes fonctions. Elle est l’interprète du mouvement et de la gravitation. Elle est le meilleur moyen d’exprimer le mouvement que vient de faire et que fait la figure, et elle est presque le seul moyen d’indiquer à l’œil la force de gravité qui s’oppose à ce mouvement. Les Grecs exagéraient les arrangements de draperies qui expriment la légèreté de l’étoffe et suivent le geste de la personne. Les sculpteurs chrétiens, se souciant peu du corps ou le condamnant et faisant tout reposer sur l’expression, employèrent la draperie d’abord comme un voile, mais ils aperçurent bientôt en elle une capacité d’expression que les Grecs avaient ignorée ou méprisée. Le principal élément de cette expression était l’entière suppression de toute agitation dans ce qui était si éminemment susceptible d’être agité. Du haut des formes humaines, la draperie tombait d’aplomb, balayant lourdement le sol et cachant les pieds, tandis que la draperie grecque s’envolait souvent à partir de la cuisse. Les étoffes épaisses et massives des vêtements monacaux, si complètement opposées à la gaze légère des vêtements antiques, donnaient l’idée de la simplicité de la division aussi bien que de la lourdeur de la chute. Et ainsi, la draperie en vint graduellement à représenter l’esprit du repos comme auparavant elle avait fait celui du mouvement, — d’un repos saint et sévère. Le vent n’avait pas de prise sur le vêtement, pas plus que la passion sur l’âme, et le mouvement de la figure ne faisait qu’incliner en une ligne plus douce le calme du voile tombant, la figure étant suivie par lui comme un lent nuage par une languissante pluie : on ne le voyait se dérouler en ondulations plus légères que s’il accompagnait la danse des anges.

Ainsi traitée, la draperie est vraiment noble ; mais parce qu’elle est l’interprète de choses différentes et