Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/129

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ami, mais vous savez qu’à présent, je suis obligé de dépenser presque tout en pièges d’acier ! — En pièges d’acier ! Et pourquoi ? — Comment ! pour ce quidam, de l’autre côté du mur, vous savez ; nous sommes de très bons amis, des amis excellents, mais nous sommes obligés de conserver des traquenards des deux côtés du mur ; nous ne pourrions pas vivre en de bons termes sans eux et sans nos pièges à fusil. Le pire est que nous sommes des gars assez ingénieux tous les deux et qu’il ne se passe pas de jour sans que nous inventions une nouvelle trappe ou un nouveau canon de fusil, etc. Nous dépensons environ 15 millions par an chacun dans nos pièges — en comptant tout, et je ne vois guère comment nous pourrions faire à moins. » Voilà une façon de vivre d’un haut comique pour deux particuliers ! mais pour deux nations, cela ne me semble pas entièrement comique. Bedlam serait comique peut-être, s’il ne contenait qu’un seul fou, et votre pantomime de Noël est comique lorsqu’il y a un seul clown, mais lorsque le monde entier devient clown et se tatoue lui-même en rouge avec son propre sang à la place de vermillon, il y a quelque chose d’autre que comique, je pense.

Ces derniers mots ne sont pas d’un littérateur qui développe une idée ; ils seraient d’un fou s’ils n’étaient d’un peintre. Toujours occupé de sensations visuelles, Ruskin va du rouge du vermillon au rouge du sang, sans transition, — parce qu’il n’y en a guère dans la couleur. Les images, en se succédant, tirent à elles et déforment son argumentation. « Nous autres, pourrait-il dire en trans-