Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/140

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ses eaux monta soudainement d’au-dessous de moi, mêlé au chant des grives dans les branches des pins, et sur le côté opposé de la vallée, fermée tout le long comme par un mur de gris rochers de calcaire, il y avait un faucon, qui s’envolait lentement de leurs sommets, les touchant presque de ses ailes, et avec les ombres projetées d’en haut par les pins, vacillant sur son plumage ; mais avec une profondeur de cent brasses sous sa poitrine et les courants ondoyants de la verte rivière glissant et brillant vertigineusement au-dessous de lui, les globes d’écume de l’eau courant dans le même sens que le vol de l’oiseau....

Ceci est vu. Rien n’est laborieusement mis en images. Tout est ressenti sous une forme imagée. Ce n’est pas un littérateur qui peint : c’est un peintre qui écrit. Ce n’est pas un calligraphe qui s’essaie à mettre des images, çà et là, dans le livre d’heures qu’il a copié : c’est un enlumineur qui, après avoir longtemps écrasé ses pinceaux sur les vélins, saisit la plume, tâche de s’expliquer et il semble bien qu’il lui est resté au bout des doigts de l’or ou de l’outremer qu’il a si longtemps maniés. Il en faut d’ailleurs, et la tâche est difficile, car voici qu’il va maintenant entreprendre de peindre l’air. Mais à son secours viennent toutes les idées qu’il a su démêler sous les apparences sensibles des tableaux de la nature et des maîtres, et, idées et images, cette fois réunies, les unes engendrant les autres, celles-ci reposant de