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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/153

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d’abord choisi, dans leur cœur, non la colère de Dieu, mais sa bénédiction. Notre terre est maintenant encombrée de ruines, notre ciel est voilé par la mort. Ne pouvons-nous pas nous juger sagement nous-mêmes, en quelques points, dès à présent, au lieu de nous amuser avec la peinture de jugements à venir ?


Quelques mois plus tard, ce sont les fusillades de Satory qui interrompent son rêve et retentissent jusque dans ses descriptions. C’est bien le cœur qui enfle ses paroles, selon le vieil adage littéraire ; c’est bien lui qui, devant une banale image de journal illustré, fait éclater l’esthéticien en apostrophes déchaînées, confuses, extravagantes, mais si humaines — et si rares parmi les paroles des critiques d’art ou des collectionneurs de bibelots !


Quelqu’un de vous, mes amis, est-il tombé, l’autre jour, sur le 83e numéro du Graphic, avec une image du concert de la Reine ? Toutes les belles dames assises si coquettement et si douces à voir remplissant tous les devoirs de la femme, qui sont de porter gracieusement de beaux atours ; la jolie chanteuse, à la gorge blanche, gazouillant Home, sweet home ! d’une façon si morale et si mélodieuse. Voilà quel devait être encore notre idéal de la vie vertueuse, pensait le Graphic ! Sûrement nous sommes en sûreté de conscience avec nos vertus en pantoufles de satin et en voile de dentelles, — et notre royaume des cieux est revenu, avec des couronnes de diamants des plus éblouissantes. Chérubin et Séraphin en toilettes parisiennes (bleu de ciel, vert d’olivier de Noë, mauve de colombe fusillée) dansant à l’orchestre de Cook et Tunney, et l’enfer des pauvres gens sera