Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/172

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ces trous apparaissent des horizons d’idées, des vallées de rêveries, et des siècles d’histoire. Ainsi lorsqu’on ouvre une de ces lucarnes percées dans l’interminable corridor du Ponte Vecchio, reliant les Uffizi au palais Pitti, si l’on se détourne des innombrables portraits des grands-ducs enfumés, on voit se dérouler l’Arno et Florence et les montagnes de marbre et les jardins, et les cimes neigeuses, et les villas des décamerons, et les chartreuses des saints, et les loggias et les portiques, toute une nature vivante, éveillée, gaie, qui tient compagnie au cœur et luit tout à coup parmi tant de choses mortes, pour dire au voyageur : Las ! ne t’attriste pas ! Tout ce que tu vois vit encore. Sur ces toiles, les arbres ont jauni et les bouquets sont noirs, mais au dehors il y a des forêts qui verdissent, des fleurs qui parfument, des rivières qui passent, des femmes qui sourient, des chevaliers qui combattent, des peuples qui acclament ou qui maudissent, — et les souffles d’air qui émoussent les pointes des cyprès de San-Miniato ou font hocher les têtes des lys de Fiesole, sont aussi forts et aussi doux que lorsqu’ils moissonnaient les parfums des lys blancs de l’Angelico ou semaient sur le ciel bleu les lys d’or des drapeaux de Charles VIII !

En restituant ainsi la vie aux œuvres d’art fanées