Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/225

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nations écrivent leur autobiographie dans trois livres : le livre de leurs actions, le livre de leurs paroles et le livre de leur art. Aucun de ces livres ne peut être compris, à moins que nous ne lisions les deux autres. Mais de ces trois, le dernier seul est tout à fait digne de foi. Les actes d’une nation peuvent être triomphants par sa bonne fortune et ses paroles puissantes par le génie de quelques-uns seulement de ses enfants, mais son art ne l’est que par le don commun et les sympathies communes de la race. » Ainsi, envers nous, « tout art est enseignement ».

Mais en même temps et pour la même raison qu’il est très grand vis-à-vis de nous, le rôle de l’Art est très humble vis-à-vis de la Nature. Envers elle, « tout art est adoration ». Car si le monde matériel a été expressément organisé dans un dessein esthétique, si les nuages sont peints a fresco chaque soir pour ravir nos yeux quand ils se lèvent et les corolles lavées à l’aquarelle chaque matin pour les ravir quand ils s’abaissent, c’est apparemment en la Nature qu’il faut chercher toute Beauté. C’est en elle qu’est le type suprême et le modèle éternel. Ce n’est point dans des rêves fournis par l’imagination ou dans quelque idéal imposé par la tradition. C’est dans la plus éphémère feuille que l’arbre donne au vent qui passe,