Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/232

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rien que la vérité ? Selon sa décision, l’artiste sera un éclectique, un réaliste ou un idéaliste. Il suivra l’une des trois grandes théories auxquelles se ramifient toutes les théories d’art : la théorie du choix, — la théorie de l’imitation littérale, — la théorie de l’idéalisation.

Or, si nous avons défini la Beauté « la signature de Dieu sur ses œuvres », et jusque sur ses moindres opuscules, si nous avons affirmé que toute Nature est Beauté, ce n’est point pour nous rallier à la théorie du choix et encore moins à celle de l’idéalisation. Choisir ! Qui l’oserait ?

Que le jeune artiste se méfie de l’esprit de choix : c’est un esprit insolent tout au moins, et ordinairement bas et commun, empêchant tout progrès et flétrissant tout pouvoir, encourageant les faiblesses, flattant les partialités.... Il ne dessine rien de bien, celui qui n’a pas envie de dessiner n’importe quoi ! Lorsqu’un bon peintre se récuse, c’est parce qu’il se sent humilié, non parce qu’il fait fi ; lorsqu’il s’arrête, c’est parce qu’il est rassasié, non parce qu’il trouve que la Nature lui donne une mauvaise nourriture. J’ai vu un homme d’un goût très pur s’arrêter pendant un quart d’heure pour contempler les petits canaux que la pluie venait de tracer dans un tas de cendres.... L’Art parfait perçoit et reflète l’ensemble de la Nature. L’art imparfait, qui est dédaigneux, rejette ou préfère....

Par conséquent, et selon le mot qui créa le Préraphaélisme, « les artistes doivent aller à la Nature