Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaque jour. Cet enthousiaste a vu clair dans les sophismes modernes et ce prophète a fort bien démêlé, sous les gloses des critiques et en dépit des théories intéressées des artistes, le vrai mal, le mal profond dont souffrent certains de nos arts : la vanité. Il a vu et dénoncé qu’avec les qualités matérielles et techniques sans lesquelles il n’est point d’art, « car la première fonction d’un peintre, c’est de peindre », il fallait aussi, pour produire de grandes œuvres d’ensemble, une certaine qualité morale. Il a perçu que la science ne suffisait pas toujours sans la conscience, ni l’habileté de la main, sans la simplicité du cœur.

Car si l’habileté suffisait, comment donc se fait-il que notre temps, si fécond en habiles gens, ne puisse produire un seul monument comparable aux temples grecs ou aux gothiques cathédrales ? Si le talent était la seule chose requise de l’artiste, comment avec tant de talent et l’expérience accumulée de tant d’écoles, ne pouvons-nous ni créer, ni perpétuer un style, ni établir un ensemble de décoration harmonieuse, ni rivaliser avec des époques moins instruites et moins habiles, pour le goût et la délicatesse des outils, des meubles, des objets qui nous entourent ? N’y a-t-il donc pas quelque chose qui manque ? Ce quelque chose, ne serait-ce pas des qualités morales et, avant toutes,