Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/294

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chants des oiseaux on n’entend plus que le sifflet et le ronronnement des machines à vapeur. Mais les ouvriers sont-ils plus gais au moins et chantent-ils davantage ? Hélas ! non. La France pauvre d’autrefois chantait : on chantait à table, on chantait au travail. Aujourd’hui, la France, devenue riche, est comme le savetier enrichi du fabuliste : elle ne chante plus. Les promesses de l’école de Manchester ont donc trompé le monde ou du moins il se croit trompé, ce qui est la même chose, car rien n’est si subjectif que le sentiment du bonheur. Il est possible, il est probable que les systèmes socialistes ne lui préparent que des désillusions encore plus profondes et plus amères, parce qu’elles seront faites de plus d’espoirs, mais, ici, il n’importe ! Les savants et les économistes, les gens de progrès, avaient promis aux foules, en leur ôtant les traditions, en leur ôtant les coutumes, en leur ôtant la foi, en leur ôtant la Beauté, qu’ils leur donneraient le bonheur. — Le leur ont-ils donné ?

À cela, inutile de répondre. Le cri des générations montantes répond pour nous. Au moment de tenir ce que les savants et les économistes avaient promis aux foules, au nom du progrès, on s’est aperçu que le bonheur n’est pas une de ces choses quæ numero, pondere, mensurâve constant ; mais une monnaie divine, et qu’en dispersant au vent toutes