Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/295

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les divines chimères, on l’avait depuis longtemps dissipée.... Là, est l’échec cruel, évident, indéniable, car si l’on peut prouver à l’ouvrier, au paysan, à l’aide d’ingénieuses et réconfortantes statistiques, qu’il est plus riche que l’ouvrier ou le paysan du beau vieux temps, comment, lorsqu’il sent le contraire, lui démontrer qu’il est plus heureux ?

En sorte que vainement on tenterait d’opposer aux plaintes des artistes sur les dévastations du progrès moderne les applaudissements des artisans sur ses bienfaits. D’en bas comme d’en haut, c’est bien le même reproche qui retentit. Qu’avez-vous fait de la Beauté ? disent les uns, — et les autres : Qu’avez-vous fait du Bonheur ? En quoi ce progrès nous a-t-il rendu l’idéal plus élevé ? demandent les premiers, — et les seconds : En quoi nous a-t-il rendu les réalités meilleures ? Oh ! sans doute on a étalé en 1889, et l’on étalera encore en 1900, des merveilles sorties des laboratoires et des usines qui ont tué la Beauté, — et l’on enflammera de la sorte les convoitises des misérables qui passeront devant ces merveilles ; — mais en quoi leur fera-t-on ainsi trouver leur sort plus joyeux ? On annonce qu’on peindra, en de gigantesques projections, des scènes de la Révolution française sur des nuages. Les nuages en seront enlaidis, mais les foules qui pas-