Aller au contenu

Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront au-dessous en seront-elles plus belles ? On se vante de décupler la vitesse des machines qui nous traînent : les chagrins que nous emportons avec nous n’en feront que galoper plus vite. On disait autrefois :

Chagrin d’amour ne va pas en voyage,
Chagrin d’amour ne va pas en bateau.

Quelles sont les tristesses qui n’aillent point aujourd’hui partout où vont les hommes ? et plus les traverses du voyage sont aplanies, plus l’âme n’est-elle pas laissée sans dérivatif à ses tourments intérieurs ? Oui, on reliera tous les villages du globe par un réseau fin et serré de fils téléphoniques : les nouvelles qu’on recevra seront-elles de meilleures nouvelles ? Oui, enfin, on sillonnera nos routes de ces voitures dételées qui attroupent encore les passants dans les rues : fera-t-on qu’elles soient un plus beau spectacle pour ceux qui les regardent ou qu’elles créent de plus beaux paysages pour ceux qui sont dedans ? Si vite qu’elles aillent, arriveront-elles jamais à un autre but qu’à celui auquel nous arrivons tous un jour — cavaliers et piétons, moines et éclopés même représentés au Campo Santo de Pise, — et est-il bien utile de se hâter vers ce qui est si inévitable, hélas ! et si commun ?...