Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/337

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dera pas, comme fit Pierre de Médicis, une statue de neige. Il prendra garde au contraire « qu’aucune intelligence, autour de lui, ne brille à la façon d’une gelée blanche, mais qu’elle soit vitrifiée comme une fenêtre peinte et placée entre des colonnettes de pierre et des barres de fer, afin qu’elle supporte le soleil en elle, et l’envoie à travers elle de génération en génération ». — S’il est pauvre, il se réjouira de voir les belles choses, possédées par les autres et par les églises ou les musées qui dépassent en richesses d’art toutes les particulières collections. S’il a les moyens de voyager et d’aller suivre au loin les traces esthétiques des grands semeurs d’Art, il voyagera souvent, marquant d’une croix blanche les journées de sa vie, où une nouvelle face de la Beauté lui sera apparue, où un nouveau maître, dans la solitude d’un musée, lui aura dit quelque chose.... S’il s’arrête en route, faute de ressources, il se rappellera les pèlerinages tant de fois recommencés des artistes pauvres du temps du Poussin, partant pour Rome, s’arrêtant à Lyon ou à Avignon, payant chaque étape d’un tableau, tendant vainement les bras vers la Ville Éternelle,... y arrivant enfin, mieux préparés à sentir son éternité par une longue attente, et à goûter ses joies par un long désir. Il n’est pas besoin, pour jouir de la vie esthétique, qu’il voie tous les