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Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/342

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manœuvres des mammonistes, pour en confondre, en les couvrant d’or, chaque degré. L’image la plus juste qu’on ait tracée de notre société est celle qu’a peinte M. Rochegrosse. On s’en souvient sans doute. Elle a paru à l’un de nos derniers Salons. Sur les hauteurs d’une ville industrielle et riche, laide et enfiévrée, dans un ciel enfumé par l’émanation d’un travail insalubre et inutile, voici qu’un désir exaspéré de richesses, d’honneurs, de bruit et d’ascension sociale soulève la foule en une poussée fratricide, en une sorte de pyramide humaine, s’écrasant et se ruant, s’écroulant et se réédifiant, tour à tour, mais montant, montant toujours au prix de la paix, au prix de la beauté, au prix de la vie, vers la Fortune dorée qui, là-haut, passe et fuit au-dessus des mains vides et tendues....

Regardons maintenant, pour nous faire une idée autre et meilleure de la vie, un tableau bien connu de Burne-Jones : The golden Stairs. Dans un cadre étroit et haut, un escalier doré sans rampes, comme un escalier de songe, s’élève en spirale, conduisant d’un rez-de-chaussée qu’on ignore à un étage supérieur qu’on ne voit pas. Des jeunes filles aux tuniques légères creusées de plis comme des colonnes, aux feuillages arrangés comme des couronnes, descendent les degrés, tenant, les unes des violes, les autres, des cymbales ou des tambourins, d’autres