Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces longues trompettes qui jaillissent des mains des anges, comme des rayons, sur le bleu des ciels de Fra Angelico. Leurs pieds nus se posent sur les marches d’or et les doigts de leurs mains nues sur les cordes d’argent des luths ou sur les trous des flûtes. Et les marches reluisent et reflètent les pieds, et les cordes bruissent et reflètent les âmes des lentes musiciennes. Des feuillages jonchent le sol comme un parvis d’église, au matin du dimanche des Rameaux. Çà et là, une tête se retourne, — comme pour un regret : des yeux se regardent, — comme pour un secret ; un front se penche, — comme pour un problème ; des bouches se sourient, — comme pour un baiser. Quelques yeux, sous ces fronts, regardent plus loin que le cadre, plus loin que les salles, plus loin que la maison, plus loin peut-être que la vie. Elles jasent et elles jouent. Sans doute, ce sont de frêles musiques, ce sont de simples vêtements, c’est une étroite demeure. Mais la grâce est dans les gestes légers, le calme est sous les fronts lourds. Et, tout au haut de la toile, des colombes se sont un instant posées sur les tuiles pour faire envier au ciel ce joli coin de terre, ou prêtes à porter aux destinées ambitieuses ballottées sur les brisants du monde la branche d’olivier cueillie ici. Car ici toutes les ambitions s’apaisent, tous les cris expirent, et, au