Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pouvoir, d’une Aide et d’une Paix, — et ne nions pas sa personnalité. Mais n’attendons pas d’autre récompense de la vie que la vie elle-même, de notre enthousiasme pour l’Artiste inconnu que cet enthousiasme, de notre amour pour son œuvre que l’amour.

Car si cette vie n’était pas un rêve, ni le monde une maladrerie, mais bien le palais du père ; si toute la paix et la puissance et la joie que vous pourrez atteindre doivent l’être ici-bas, et tous les fruits de la victoire ici-bas recueillis, sous peine de ne l’être jamais, voudriez-vous quand même, d’un bout à l’autre de la chétive totalité de vos jours, vous exténuer dans la flamme pour la vanité ? S’il ne reste pas pour vous de repos dans une vie à venir, n’en est-il pas que vous puissiez dès maintenant prendre ? L’herbe de la terre fut-elle créée verte pour vous servir seulement de linceul et non pour vous servir de lit ? et n’y aura-t-il jamais de repos possible pour vous au-dessus d’elle, mais seulement au-dessous ?

Les païens, dans leurs heures les plus tristes, ne pensèrent pas ainsi. Ils savaient que la vie apporte son combat, mais ils attendaient aussi d’elle la couronne de tout combat ; oh ! pas bien magnifique ! seulement quelques feuilles d’olivier sauvage, rafraîchissantes au front fatigué, durant quelques années de paix. Elle eût pu être d’or, pensaient-ils, mais Jupiter était pauvre : c’était là tout ce que le Dieu pouvait leur donner. En cherchant mieux, ils avaient connu que ce n’était que moquerie. Ni dans la guerre, ni dans la tyrannie, il n’y avait de bonheur pour eux, — seulement dans une aimable paix, féconde et libre.