Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/44

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le premier printemps, mais que les glaciers m’aient trahi et que leurs vieux chemins ne les connaissent plus, c’en est trop ! Faites, s’il vous plaît, mes amitiés à la grosse vieille pierre qui est sous Breven, à un quart de mille au-dessus du village, à moins qu’ils ne l’aient détruite pour leurs hôtels... » Il retourne pourtant dans les Alpes en 1882 et il écrit : « J’ai revu aujourd’hui le Mont-Blanc, que je n’avais point vu depuis 1877, et j’ai été très reconnaissant. C’est un spectacle qui me rend toujours toute la force dont je suis capable pour faire de mon pauvre petit mieux, et devant lequel mes amitiés et mes souvenirs me deviennent plus précieux... »

Joie ou tristesse, cette contemplation, qui par moments ressemble à une rêverie mystique, enfantine et extasiée, est le premier grand trait de la physionomie de Ruskin. Lorsqu’il y est plongé, rien ne l’éveille. Les événements passent autour de lui sans qu’il leur accorde un regard. Parfois il demeure des semaines sans connaître ceux qui bouleversent son pays. Khartoum tombe avec l’héroïque Gordon ; il n’en sait rien et comme on parle devant lui du Soudan, il ne songe qu’à celui que Giotto a peint à Santa Croce en face de Saint-François-d’ Assise et demande curieusement : « Mais qui est aujourd’hui le Soudan ? » — Les événe-