Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/89

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et d’extasié. Il salue légèrement et cérémonieusement, échange des signes avec ses amis épars dans l’assistance, dispose autour de lui une foule de menues choses bizarres : des minéraux, des monnaies, des dessins, des photographies, des « diagrammes », comme il les appelle, pour servir à sa démonstration, puis il rejette sa longue robe noire de professeur et il semble que son orthodoxie universitaire s’en aille avec elle. Il apparaît vêtu d’une redingote bleue, avec des poignets blancs épais, un col entonnoir, à la Gladstone, une lourde cravate bleue, sa marque distinctive, tenue simple d’ailleurs, sans bagues ni breloques, mais d’une élégance grave et surannée.

Il parle et tout d’abord on croit qu’un clergyman s’est introduit dans la salle et fait une lecture sacrée. C’est qu’il lit en effet des passages écrits avec soin : il cadence ses phrases, balance ses périodes, contient ses mains, éteint ses regards. Peu à peu toutefois, en se relisant, il se ranime. Son exaltation lui revient comme au jour où il écrivit. Il oublie de regarder les feuilles mortes qui sont là, sur sa table, et regarde les figures vivantes des auditeurs. L’approuvent-ils jusqu’ici ? Il ne peut continuer sans le savoir. Il le leur demande, leur fait lever les mains en signe d’assentiment. Enhardi, il attaque le fond du sujet, improvise, s’arrête,