Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/92

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changement en mieux qui s’était fait en lui, de l’aspect brillant, éclatant, sauvage, qu’un homme acquiert en vivant parmi les bois et les montagnes et les pures brises… Ce soir-là, le premier que nous passâmes à Brantwood, les salles étaient éclairées par les rayons obliques du soleil couchant que reflétait le lac. Mme Severn (la cousine de Ruskin) s’assit à sa place, derrière une fontaine à thé, d’argent, tandis que le maître de la maison, tournant le dos à la fenêtre, dispensait cet aliment spirituel et temporel que peuvent seuls se figurer ceux qui ont été ses hôtes : du beau pain de froment et des gâteaux écossais en couronnes et en croissants craquants ; et une truite du lac et des fraises, telles qu’elles croissent seulement sur les pentes de Brantwood. Étaient-ce là des coupes de thé seulement ou des coupes de fantaisie, de sentiment, d’inspiration ? Et tout en croquant et en buvant à longs traits, nous prêtions l’oreille à un certain chant impossible à décrire, passant des notes graves qui le commencèrent aux vibrations les plus douces et les plus charmantes… Comment se rappeler une jolie causerie qui est finie ? Vous pouvez vous rappeler la chambre où elle eut lieu, la forme des fauteuils, mais la causerie prend des ailes et disparaît… Le texte était que les fraises doivent être mûres et douces, que là était un cri-