Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/94

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dique normande — le gris, couleur inférieure en blason, mais d’un grand prix, car l’humilité ouvre les portes du paradis et l’on a dit que les murs en étaient de jaspe, mais que chaque porte était formée d’une perle. Il conta leurs naissances obscures et lentes au sein de la terre ou des mers, puis se tournant vers les belles mondaines, il leur dit quelque chose comme ceci :

Est-ce sensé de mettre nos affections en ces pierres, de les aimer, de les tenir pour précieuses ? Oui, certainement, pourvu que ce soient elles que nous aimions et que nous tenions pour précieuses, elles et non nous-mêmes. Adorer une pierre noire parce qu’elle est tombée du ciel peut ne pas être tout à fait sage, mais c’est à mi-chemin de la sagesse, qui est d’adorer le ciel même. Il n’est pas tout à fait fou de penser que les pierres voient, mais il l’est tout à fait de penser que les yeux ne voient pas. Il n’est pas tout à fait fou de penser que le jour où l’on réunira les joyaux, les murs du palais seront maçonnés de vie sur eux comme sur leur pierre angulaire, mais il est fou de croire que le jour de la dissolution, les âmes du globe tomberont en poussière, avec l’émeraude, et qu’aucune spiritualité ne restera, impavide, sur les ruines. Oui, belles dames, aimez les bijoux et prenez soin d’eux, mais aimez vos âmes plus encore et prenez-en soin pour le jour où le Maître rassemblera tous ses joyaux !

Les belles clientes du joaillier écoutaient encore ces paroles que ne leur avait dites aucun de leurs danseurs : le prophète n’était plus là. Il s’était