Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/97

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vérité, mais des femmes du monde, — ce qui est peut-être plus difficile. Il ne fit pas pousser des roses sur la neige, mais il mit dans les froides âmes britanniques ces fleurs vermeilles de l’enthousiasme qu’on est maintenant surpris d’y rencontrer. Il ne commanda pas aux saisons, mais un jour qu’il avait demandé que les peintres fissent des pommiers en fleurs, toutes les murailles de l’Academy se couvrirent de pommiers en fleurs. On le raconte ainsi du moins, et le souvenir attendri que le maître a laissé chez les uns, les sourires extasiés qu’il a semés sur les lèvres des autres, ont peut-être fait naître bien des légendes. Mais ce n’est pas un sort commun, même chez les grands hommes, que de s’envelopper vivants du voile gracieux des légendes. Les nuages ne s’assemblent d’ordinaire qu’autour des plus hauts sommets.

Peut-être le sommet de Coniston, l’Old man of Coniston, nous paraîtra-t-il plus haut encore, quand la mort aura aux nuées profanes de la fiction ajouté sa suprême et sainte obscurité. Peut-être alors les touristes innombrables, pour lesquels Ruskin changea en pains les pierres de Venise et en fleurs les joyaux de Pallas Athéné, voudront-ils voir le lieu où a vécu l’homme qui fit vivre tant d’âmes, où a brillé le feu où se sont allumés tant de flambeaux.