Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/22

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division ; si tout est un, la distinction entre le passé et l’avenir doit être illusoire. Nous ayons vu l’importance du rôle que cette doctrine joue chez Parménide ; et chez les modernes, elle constitue le fondement des systèmes de Spinoza et de Hégel.

La dernière des doctrines du mysticisme que nous avons à considérer est cette croyance que tout mal n’est qu’apparence, illusion produite par les divisions et oppositions de l’intelligence analytique. Le mysticisme ne prétend pas que la cruauté, par exemple, est bonne, mais il nie qu’elle soit vraie ; elle appartient à ce monde inférieur des apparences, dont nous peut affranchir une intuition intérieure. Parfois — par exemple chez Hégel, et, verbalement du moins, chez Spinoza — tant le bien que le mal sont considérés comme illusoires, quoique l’attitude sentimentale à l’égard de ce que l’on tient pour la Réalité soit de nature à emporter la croyance que la Réalité est bonne. Dans tous les cas, ces caractéristiques morales du mysticisme sont l’absence d’indignation et de révolte, le plaisir de la soumission, le refus de considérer la division en deux éléments contraires, l’un bon, l’autre mauvais, comme une vérité première. Cette attitude est une conséquence directe de la nature de l’expérience mystique : à son esprit d’unité est associé un sentiment de paix infinie. De fait, on pour-