Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

passé : c’est une recherche hautement raffinée, hautement civilisée, qui demande, pour aboutir, un certain affranchissement de la vie de l’instinct, et parfois même, une certaine élévation qui nous dégage des espérances et des craintes de ce monde. Ce n’est donc pas en philosophie que se montrera à nous ce qu’il y a de meilleur dans l’intuition. Au contraire, du moment que le véritable objet de la philosophie et le mode de pensée qui permet de le saisir sont étrangers, inaccoutumés et rares, c’est ici, plus que partout ailleurs, que l’intelligence sera supérieure à l’intuition, et que les certitudes rapides et immédiates auront le moins de droit d’être acceptées sans critique.

En nous faisant l’avocat de la réserve et de l’impartialité scientifiques, contre l’expression d’une pleine confiance en l’intuition, nous ne faisons que plaider, dans la sphère de la connaissance, cette largeur de vue, ce désintéressement impersonnel, et cet affranchissement des préoccupations pratiques qu’ont préconisés toutes les grandes religions du monde. Ainsi, notre conclusion aura beau s’opposer formellement aux croyances d’un grand nombre de mystiques, elle n’est pas, dans son essence, contraire à l’esprit qui a inspiré ces croyances, mais est plutôt l’aboutissant de ce même esprit, en tant qu’il s’applique au domaine de la pensée.