Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/50

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en aucune façon. La différence entre un monde bon et un monde mauvais est une différence entre les caractères particuliers des choses particulières qui existent dans ces mondes : ce n’est pas une différence suffisamment abstraite pour entrer dans le champ de la philosophie. L’amour et la haine, par exemple, sont moralement contraires, mais, en philosophie, ce sont des attitudes qui se touchent de près. La forme générale et la structure de ces attitudes à l’égard des choses, qui constituent les phénomènes mentaux, sont un problème pour la philosophie ; mais la différence entre l’amour et la haine n’est pas une différence de forme ou de structure, et, en conséquence, appartient plus à la science particulière de la psychologie, qu’à la philosophie. Ainsi, les préoccupations morales, qui ont souvent inspiré les philosophes, doivent demeurer à l’arrière-plan : une préoccupation morale, d’un certain ordre, peut inspirer l’œuvre entière, mais ne doit pas intervenir dans le détail, ni se trouver dans les résultats particuliers auxquels on tend.

Si ce point de vue est décevant au premier abord, souvenons-nous qu’une réforme de ce genre a été jugée utile dans toutes les autres sciences. On ne demande plus au physicien ou au chimiste de prouver la valeur morale des ions ou des atomes ; ni au biologiste de démontrer l’utilité des végétaux ou des animaux