Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/53

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louanges de l’univers et y cherche l’expression d’un idéal actuel.

En religion, et dans toute conception profonde et sérieuse du monde et de la destinée humaine, il y a un élément de soumission, une compréhension des limites de la puissance humaine, qui, en quelque sorte, fait défaut au monde moderne avec ses succès matériels rapides et son insolente croyance aux possibilités illimitées du progrès. « Celui qui aime la vie la perdra. » Et il est à craindre que, par un amour de la vie trop plein de confiance, la vie elle-même ne perde une grande part de ce qui fait sa plus haute dignité. La soumission que la religion préconise dans l’action est animée du même esprit que celle que la science enseigne dans la pensée ; et la neutralité morale à laquelle elle doit ses conquêtes est le fruit de cette soumission.

Le bien qui nous intéresse est celui qu’il est en notre pouvoir de créer — le bien, dans notre vie propre et dans notre attitude à l’égard du monde. Toute exagération de la croyance en un bien objectif est une des formes de l’affirmation de soi, qui est non seulement incapable de créer le bien extérieur qu’elle désire, mais encore peut poser une entrave sérieuse au bien qui est en notre pouvoir, et saper ce respect des faits qui constitue, à la fois, ce qu’il y a d’appréciable dans