Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/71

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des fondations si peu sûres ne valait pas mieux qu’un château bâti en l’air. Sous ce rapport, la découverte que les véritables principes font partie des mathématiques au même titre que leurs conséquences a beaucoup accru la satisfaction intellectuelle que l’on en peut attendre. Cette satisfaction ne devrait pas être refusée aux étudiants capables d’en jouir, car elle est de nature à grandir notre respect des capacités humaines et à augmenter notre connaissance des beautés propres au monde abstrait.

Les philosophes soutiennent d’ordinaire que les lois de la logique, qui supportent les mathématiques, sont des lois de la pensée, des lois qui régissent les opérations de notre esprit. D’après cette opinion, la véritable dignité de la raison est grandement diminuée ; elle cesse d’être une recherche au cœur même et à l’essence immuable de toutes les choses actuelles et possibles, et devient, à la place, l’examen de quelque chose de plus ou moins humain et de sujet à nos limitations. La contemplation de ce qui n’est pas humain, la découverte que notre esprit est à même de traiter une matière qu’il n’a pas créée, et surtout le sentiment que la beauté appartient au monde extérieur autant qu’au monde intérieur, voilà de quoi étouffer ce terrible sentiment d’impuissance, de faiblesse, d’exil au milieu de puissances hostiles, que fait naître trop souvent la considération de l’omni-