Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/88

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fonder une philosophie, on prive la méthode scientifique de sa caractéristique la plus importante et la plus remarquable ; c’est qu’en science, en dépit du fait que tout a besoin, un jour ou l’autre, d’être rectifié, cette rectification laisse cependant intacte, ou ne modifie que légèrement, la plus grande partie des résultats déduits des prémisses que l’on trouve être fausses. Le savant prudent finit par connaître, en quelque sorte instinctivement, l’usage que l’on peut faire des croyances scientifiques actuelles, sans courir le risque d’être entièrement et pleinement réfuté par suite des modifications que sont susceptibles d’amener des découvertes ultérieures. Malheureusement, l’emploi de généralisations scientifiques hâtives comme bases de la philosophie est précisément de ceux que l’instinct de la prudence scientifique saurait éviter, du moment qu’il ne saurait conduire à des résultats vrais que si la généralisation sur laquelle il se fonde n’était pas susceptible d’être rectifiée. Nous pouvons illustrer ces considérations générales par l’exemple des principes de la conservation de l’énergie et de la théorie de l’évolution.


I) Commençons par la conservation de l’énergie, ou, comme l’appelait Herbert Spencer, la persistance de la force. Voici ce qu’il en dit[1] :

  1. Premiers principes (1862), IIe Partie, commencement du chapitre VIII.