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Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/94

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Il rejeta donc le point de vue des pourceaux et adopta le sien propre. En quoi donc était-il différent des pourceaux ? »

Je crains fort que les évolutionnistes ne ressemblent au Grand Augure aux pourceaux. La préoccupation morale qui a dominé si fortement la plupart des grands systèmes philosophiques est, à mon avis, un des obstacles les plus sérieux au règne de la méthode scientifique dans les recherches philosophiques. Comme le voyait Chuang Tzǔ, les idées morales humaines sont essentiellement anthropocentriques, et impliquent en métaphysique un effort, souvent bien dissimulé, pour régir l’univers selon les lois fondées sur les désirs actuels de l’homme. C’est en ce sens qu’elles s’opposent au respect des faits qu’est essentiellement l’attitude scientifique à l’égard du monde. Il est essentiellement ante-copernicien de considérer les idées morales comme la clef qui nous livrera le secret de l’univers. Ce serait là faire de l’homme, avec ses espoirs et ses idéaux d’un moment, le centre de l’univers et l’interprète de ses prétendus objets et de ses prétendues fins. La métaphysique morale est, au fond, une tentative déguisée pour donner à nos désirs force législative. Sans doute, cette opinion prête-t-elle le flanc à la discussion, mais je la crois confirmée par tout ce que nous