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PRÉFACE.

de tours ni montreur d’ours comme quelques-uns de ses confrères[1], ni même marchand d’herbes et d’orviétan, bien qu’on pût chercher à le conclure de sa pièce intitulée L’Herberie. Rutebeuf en effet était un homme plus grave et un poête plus sérieux. Son Herberie[2], spirituelle parade de carrefour et de place publique, me semble avoir été composée plutôt comme modèle du genre que comme pièce à son usage personnel ; rien ne prouve qu’il la débitât lui-même, ni qu’il en fût venu à ce point d’abaissement de vendre sa gaîté en détail sur le champ de foire du Lendict ou dans l’enceinte du grand marché des Champeaux. À la vérité, nous voyons par une de ses pièces (Le dit de Charlot le Juif[3]) qu’il se rendait aux noces, aux festins, pour contribuer probablement comme les autres ménestrels à leur éclat par ses vers, et recevoir des présents en échange ; dans un passage de La Complainte Rutebeuf[4] il nous apprend même que son cheval (ce qui prouve au moins qu’il en avait un) s’est brisé la jambe à une lice ; mais on remarquera déjà que ces faits le mettent au-dessus de la classe vulgaire des jongleurs, puisque dans une noce il ne s’adressait pas à un public de hasard, au public des rues, et qu’en se rendant aux tournois il y

  1. Voyez, t, I, page 331, le fabliau des Deux Troveors.
  2. Voyez, t. I, page 250 et suivantes.
  3. Voyez, t. I, page 289.
  4. Voyez, t. I, page 15.