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XI
PRÉFACE.

cherchait vraisemblablement, non la foule comme les ménestrels de bas étage, mais les grands seigneurs, qui paraissent avoir composé, si l’on peut s’exprimer ainsi, la plus grande partie de sa clientelle. Il faut d’ailleurs observer que L’Herberie Rutebeuf est la seule des pièces de notre trouvère qui semble réellement destinée à la populace. Quelques-unes de ses autres compositions, ses fabliaux par exemple, sont parfois assez libres et souvent de mauvais goût ; mais nulle part ils ne commencent, non plus que ses complaintes et ses pièces satiriques, par une prière aux auditeurs de faire silence, de prêter l’oreille à ce qu’on va leur faire entendre, et jamais ils ne se terminent par une invocation à leur générosité, choses qui forment pourtant le caractère spécial des compositions faites pour être débitées dans la rue ou dans les carrefours. Quant à ses pièces sur lui-même, elles ne sont évidemment pas destinées à être récitées en public, mais à être lues en particulier. Elles sont en effet adressées à certaines personnes seulement : l’une se termine par un envoi au comte de Poitiers ; l’autre dut être remise entre les mains de saint Louis. En un mot, Rutebeuf n’est point un bateleur faisant collecte sur la place : c’est Villon baillant requeste à monseigneur de Bourbon, Marot écrivant à François Ier.

Quoi qu’il en soit, si Rutebeuf ne doit point être rangé parmi les poëtes qui sous saint Louis occupaient le dernier degré de la ménestrandie, si,