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ET DOU DESCROIZIÉ.


« Cuidiez-vos or que la croix preingne
Et que je m’en voize outre meir,
Et que les .c. soudées[1] deingne
Por .xl. cens réclameir ?
Je ne cuic pas que Deux enseingne
Que hom le doie ainsi semeir :
Qui ainsi senme pou i veigne,
Car hom les devroit asemeir. »

— « Tu naquiz de ta mère nuz,
Dit li croiziez, c’est choze aperte :
Or iez juqu’à cel tens venuz
Que ta chars est bien recoverte.
Qu’est Diex nès qu’alors devenuz
Qu’à cent dobles vent la déserte ?
Bien i ert por meschéanz tenuz
Qui ferat si vilainne perte.

« Hom puet or paradix avoir
Ligièrement ! Diex en ait loux ;
Asséiz plus, ce poeiz savoir,
L’acheta sainz Pière et sainz Poulz,
Qui de si précieux avoir
Com furent la teste et li coux,
L’aquistrent, se teneiz à voir :
Icist dui firent .ij. biaux coux. »

  1. La soudée était un fonds de terre qui rendait un sou de rente. — Ce passage fait allusion aux cessions de biens qu’étaient obligés de faire à vil prix ceux qui partaient pour les croisades. Je rappellerai à ce sujet que Godefroi de Bouillon vendit avant de quitter ses états la majeure partie de ses biens au clergé, qu’en 1096 Baudouin, comte de Hainaut, imita cet exemple, et qu’en 1239 Baudouin, comte de Namur, le suivit également. Les croisades furent donc en grande partie la source des richesses du clergé.