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LI DIZ DES CORDELIERS.

Fist devant li venir, qui la véist clochier.
Ainz qu’elle venist là la covint mout lochier,
La porte en fist porter celle qui n’ot Dieu chier.

La béasse qu’est torte lor a fet mult grant tort :
Encore est correciée se fromages estort.
A l’apostole alèrent li droit contre le tort,
Li droiz n’ot point de droit ne la torte n’ot tort.

L’apostolles lor vost sor ce doner sentence,
Car il set bien que fame de po volontiers tance ;
Ainz manda s’il pooit estre sans mésestance,
L’évesque lor féist là avoir demorance.

L’évesques ot consoil par .iij. jors ou par .iiij. ;
Mais fames sont noiseuses ; ne pot lor noise abatre
Et vit que chacun jor les convenoit combatre :
Si juga qu’il alassent en autre leu esbatre.

    de lumières. J’avais cru d’abord qu’il pouvait s’agir ici de quelque dissension entre les Cordeliers et l’abbaye de Saint-Germain, que Rutebeuf aurait désignée en faisant, par un jeu de mots, de la béasse (la domestique) une personnification de l’abbaye, qu’il aurait alors écrite l’abéasse. Les Cordeliers s’étaient en effet établis à Paris sur le territoire de cette maison, et dans des lettres de l’évêque de Paris datées du mois de mai 1230 il est dit que l’abbé et les religieux de Saint-Germain ne firent que prêter et non pas donner le lieu et les maisons qu’habitèrent les disciples de saint François, encore à condition que les Cordeliers n’auraient ni cloches (ce qui expliquerait peut-être ce vers de Rutebeuf : La béasse qui cloche, etc.), ni cimetière, ni autel consacré, etc. Il fut en outre stipulé que, si les Frères-Mineurs allaient s’établir en un autre lieu, la place qui leur avait été accordée, avec tous les bâtiments que l’on y avait élevés, demeurerait en propriété à l’abbaye, ce qui expliquerait également cette strophe : Dortor et refretor etc. ; mais, en y regardant de plus près, j’ai vu que bien des circonstances, la date surtout, contrariaient cette hypothèse. Je ne puis donc mieux faire que d’abandonner l’énigme obscure que présente cette pièce à l’intelligence et à la sagacité du lecteur.