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XXIV
PRÉFACE.

l’éclat, et la profondeur ne lui manque pas. Quelle plus belle image, au début d’une ode, que celle qui termine la strophe suivante : « Empereurs et rois, et comtes, et ducs, et princes, à qui l’on récite pour vous réjouir divers romans touchant ceux qui combattirent jadis en faveur de sainte Église, dites-moi par quel moyen vous comptez avoir le paradis ? Ceux-là le gagnèrent, dont vous écoutez lire ces romans, par la peine et par le martyre qu’ils souffrirent sur terre ; mais vous ?… Voici le temps ! Dieu vous vient chercher, bras étendus et teints de son sang, avec lequel le feu de l’enfer sera éteint pour vous. Recommencez une nouvelle vie, etc. » N’est-ce pas quelque chose d’imposant que de faire apparaître ainsi Jésus-Christ, avec les bras teints de sang, au-dessus des pécheurs ?

Plus loin, dans la même pièce, Rutebeuf fait preuve d’une admirable énergie lorsque, dans un mouvement d’indignation pareil à ceux de Michel Menot gourmandant nos seigneurs du parlement (domini de parlamento), il s’écrie : « Ah ! prélats de sainte Église, qui pour garder vos corps du froid ne voulez aller aux matines, messire Geoffroi de Sargines vous réclame au-delà de la mer ; mais je dis que celui-là est blâmable qui vous demande autre chose que du bon vin, de la bonne viande, et que le poivre soit bien fort !… C’est là votre guerre, c’est là votre secours, c’est là votre dieu !… Et vous, grands