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DE LA VIE DOU MONDE.

Judas Machabéus nos dist anchienement
Que victoire n’est mie en grant masse d’argent,
N’en grant chevaucéures, ne grant plenté de gent,
Ançois vient dou Signeur qui maint ou firmament.

Sainte Église la noble, qui est fille de roi,
Espose Jésus-Christ, escole de la loi,
Cil qui l’ont aservie ont fait mult grant desroi ;
Chou a fait convoitise et défaute de foi.

Convoitise vaut pis que ne fait un serpens[1] ;
A tout honni le monde, dont je sui mult dolans :
Se Charles fust en France encore i fust Rolans ;
N’eussent pooir contre els Yaumons ne Agolans[2].

Ains puis que li disimes fut pris en sainte Église,
Ne fist li rois de Franche riens qu’il éust emprise ;
Damiette, ne Tunes, ne Pulle ne fu prise,
Ne ne prist Aragone li rois de saint Denise[3].

Or si gart bien cascuns : tant comme on le penra,
Honors, joie, victore as François n’avenra,
Et puet bien aprendre cil qui le maintenra,

  1. Mss. 7633 et 274 bis N.-D. Var.
    Convoitise, qui vaut pis c’uns serpans volans.
  2. Voyez, pour l’explication de ce mot, l’une des notes de la pièce intitulée Li Diz de Puille.
  3. Ce vers a rapport à la guerre que Philippe-le-Hardy déclara en 1285 au roi d’Aragon pour se venger de l’entreprise faite en Sicile par ce prince contre Charles d’Anjou, son oncle, et pour soutenir les droits que Charles de Valois, son deuxième fils, avait acquis en 1284 sur les royaumes d’Aragon et de Valence, ainsi que sur le comté de Barcelonne, par le don que lui en avait fait le pape.