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XXVII
PRÉFACE.

quelque église. Il dénote certainement une grande habileté poétique dans l’homme qui pouvait manier ainsi à la fois tous les rhythmes, employer toutes les mesures et faire au 13e siècle, dans un cadre intéressant, mouvoir à son gré l’enfer et le ciel.

Maintenant, en quelle année naquit Rutebeuf et en quelle année mourut-il ? — C’est ce que nous ignorons. Le plus grand nombre de ses pièces (presque toutes pour ainsi dire) offrent la preuve, soit par leur fond même, soit par les allusions qu’elles contiennent, qu’elles furent composées de 1260 à 1270. Une seule, La Discorde de l’Université et des Jacobins, peut remonter environ de 1254 à 1255 ; mais dans aucune autre nous n’apercevons la moindre allusion à des événements antérieurs à cette époque. Or, si Rutebeuf eût vécu intellectuellement de 1250 à 1253, comment expliquerait-on son silence sur les choses et les hommes de ce temps ? pourquoi n’aurait-il fait aucune allusion aux amours vraies ou supposées du roi de Navarre et de la reine Blanche ? pourquoi toutes ses critiques des fondations pieuses faites par saint Louis porteraient-elles sur des faits postérieurs au temps que nous indiquons ? enfin comment ne parlerait-il que d’une manière vague et accessoire de la croisade de 1248, tandis qu’il s’étend longuement sur celle de 1270 ? Évidemment c’est qu’à l’époque où il écrivait la plupart de ces choses étaient déjà oubliées, et