Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
DE LA VIE DOU MONDE.

La parole David est bien entr’oublie[1],
Qui dist : « Rendés-vos veus, ne les trepassés mie. »

Chanone séculer mainnent très bone vie :
Chacuns a son hostel, son leu et sa mainie,
Et s’en i a de tex qui ont grant signorie,
Qui poi font por amis et assés por amie.

En l’orde des canoines qu’on dist Saint-Augustin,
Ils vivent à plenté, sans noise et sans hustin.
Je lo qui leur[2] soviègne au soir et au matin
Que la chars bien[3] nourie porte à l’âme venin.

En l’ordre des noirs moines sont à ço[4] atorné[5].

  1. Ms. 198. N.-D. Var. Est bien de Dieu entrelessiée.
  2. Ms. 7633. Var. De Jhésu lor.
  3. Ms. 7633. Var. Soeif.
  4. Ms. 7633. Var. Aceiz.
  5. Les noirs moines étaient, comme nous l’avons déjà dit, les Bénédictins. — J’ai trouvé sur eux dans le Ms. 65, fonds de Cangé, fol. 133, la chanson suivante, que j’attribue à Estienne de Miaus parce qu’il est nommé dans une de celles qui précèdent immédiatement :

    Trop par est cist mondes cruaus,
    Poi i a bien, n’en qier mentir.
    Chascuns entent à fer maus,
    A qui q’on le veut consentir.
    Por ce vont-il ès parfon et gaus
    En enfer le puant ostaus ;
    Mainte doleur i convendra souffrir :
    Adonc vendra à tort le repentir.

    Cil noirs moines, qui Dex doint maus
    Refont auques à leur plesir ;
    Trop par ont souvent généraus
    De diverses chars, sanz mentir.
    Les vins ont blans comme cristaus ;
    A guersoi * boivent par igaus ;
    N’entendent pas fors à la char norrir
    Que l’on metra en la terre porrir.

    * Voyez, pour cette expression, la note 3, page 93.