Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/323

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Partout est bien choze commune,
Ce seit chascuns, ce seit chascune,
Quant .i. hom fait noces ou feste
Où il a gens de bone geste,
Li menestreil, quant il l’entendent,
Qui autre chose ne demandent,
Vont là, soit amont, soit aval,
L’un à pié, l’autres à cheval[1].
Li couzins Guillaume en fit unes
Des noces qui furent communes,
Où asseiz ot de bele gent,
Dont mout li fu et bel et gent :
Asseiz mangèrent, asseiz burent ;
Se ne sai-ge combien i furent
Je méismes, qui i estoie.
Asseiz firent et feste et joie.
Ne vi piesà si bele faire,
Ne qui autant me péust plaire.

  1. Tout le monde sait que c’était en effet la coutume des jongleurs et des trouvères. Il ne se célèbre pas de mariage dans nos fabliaux et nos chansons de gestes sans que l’auteur dise immédiatement qu’il y vint une foule de jongleurs, lesquels mangèrent bien, burent mieux, racontèrent une foule d’histoires, et furent très-bien payés. Leur salaire consistait en cadeaux, soit d’argent, soit de vêtements, et quelquefois des deux ensemble. Ainsi aux noces de Gauthier d’Aupais l’auteur dit :

    Il n’i ot jongleor n’éust bone soldée,
    N’éust cote ou sorcot ou grant chape forrée.

    Je ferai remarquer en même temps que cette profession exigeait une multitude de connaissances et de talents dont la réunion, surprenante qu’elle serait aujourd’hui chez un seul individu, doit le paraître encore bien davantage chez des gens du 13e siècle. Ainsi, il ne s’agissait pas seulement pour eux de raconter quelques fragments de romans ; il fallait encore composer des Fabliaux, des Dits, des Moralités, les mettre en musique, et s’accompagner en même temps de plusieurs instruments. (Voyez, dans les additions du présent volume, le fabliau des Deux Bordeors ribaux.