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LA POVRETEI RUTEBEUF.

Où toute avoie m’atendance.
Entre chier tens et ma mainie[1],
Qui n’est malade ne fainie,
Ne m’ont laissié deniers ne gage.
Gent truis d’escondire[2] arainie[3]
Et de doneir mal enseignie[4] :


    une de ses pièces. (Voyez celle qui est intitulée De la vie du monde.) D’ailleurs les quatre derniers vers de la strophe suivante et l’ensemble de La povretei Rutebuef prouvent ce point surabondamment.

  1. Mainie, mesnie, maison, famille, de mansio
  2. Escondire, refuser ; de escondire, excondicere.
  3. Arainie, accoutumée.
  4. Dans une pièce anonyme, qui se trouve au Ms. 248, supp. fr., de la bibliothèque du Roi, et qui est intitulée C’est uns dis d’avarisce, on rencontre les vers suivants, qui corroborent singulièrement et presque dans les mêmes termes les paroles de Rutebeuf :

    Chascuns a son donnet perdu :
    Li ménestrel sont esperdu * ;
    Car nus ne lor veut riens donner.
    De don ont esté soustenu :
    Maintenant sont souz pié tenu ;
    Or voisent aillors sermonner.

    C’était précisément le contraire de ce que faisait saint Louis, car, si l’on en croit La branche aux royaux lignages,

    Viex ménestriex mendians…
    Tant du sien par an emportoient
    Que nombre ne puis avenir.

    On peut recourir aussi pour ce sujet à la pièce des Taboureors (joueurs de tambours), que j’ai insérée dans mon recueil intitulé Jongleurs et Trouvères. (Paris, Merklein, 1835.) Je terminerai cette note par les vers suivants, dans lesquels Robert de Blois se plaint de l’avarice des grands :

    Qui porroit ce de prince croire,
    s’il n’oïst ou véist la voire,
    Qu’au mengier font clorre lor huis ?
    Si m’aït Deus, je ne m’en puis
    Taire kant dient ci huissier :
    « Or fors ! mes sires vuet mangier. »

    Voyez aussi sur le même sujet la note A, à la fin du volume.

    * On retrouve ces deux vers dans la pièce de Rutebeuf intitulée De l’estat du monde ; seulement ils sont disposés ainsi :

    Menesterez sont esperdu ;
    Chascuns a son donnet perdu.