Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/395

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guerres de la Terre-Sainte. Comme son grand âge ne lui permettait plus de soutenir les fatigues de la guerre, il était parti de la Palestine dans le dessein de retourner en France. Abordant à Naples et n’y trouvant pas le roi, il vint le joindre à Capoue lorsque ce prince allait marcher à la rencontre de Conradin. Charles, ravi de son arrivée, l’invita à le suivre dans son expédition et à l’aider de ses conseils. Le chevalier s’excusa d’abord sur son grand âge, mais il ne put longtemps se refuser aux instances du roi ; il l’accompagna dans l’Abruzze. Charles l’écoutait avec tant de confiance que, la veille d’en venir aux mains, il le chargea de toute la conduite de l’affaire. »

Ce récit, comme on le voit, est très-honorable pour Erard de Valéry ; mais nous pourrions en relever plusieurs circonstances qui y sont racontées d’une manière peu exacte. Il en serait de même pour ce que dit l’Histoire généalogique de France, que « Erard mena en Sicile une armée au service de Charles d’Anjou. » Comment Erard de Valéry, qui s’était rendu en Terre-Sainte avec une suite personnelle peu nombreuse, et qui dut n’en revenir (on est du moins fondé à le croire lorsqu’on a lu ce que disent les continuateurs de Guillaume de Nangis[1] sur la façon dont les infidèles y malmenèrent durant son séjour les défenseurs d’Acre) qu’après avoir vu ses compagnons moissonnés en partie par le fer et par des fatigues incessantes sous un climat étranger, aurait-il pu amener une armée au service de Charles d’Anjou ? Les Annales du règne de saint Louis racontent ce fait d’une manière bien plus vraisemblable (ce qui nous dispensera de toute autre réfutation), et surtout bien plus pittoresque. Qu’on nous permette de le prouver par un extrait de la traduction anonyme qui en fut faite par un contemporain, et que Ducange a mise au jour en 1761 (Paris, in-fol., page 261). J’ose espérer qu’on me pardonnera la longueur de cette citation en faveur de son intérêt.

« A celle heure et à cel point que li roys Charles orde-

  1. Voyez la note finale sur Geoffroy de Sargines.