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NOTES

Cet acte intimida quelques-uns des envoyés de l’Université. Comme ils entraient alors en Italie, ils craignirent peut-être, quoique ce ne fût pas encore l’habitude, laquelle ne prit faveur que plus tard[1], qu’on les traitât comme le livre qu’ils venaient défendre, c’est-à-dire qu’on les livrât au feu, et ils firent leur soumission[2] ; mais Guillaume redoubla de courage et de fermeté. Arrivé à Rome, il demanda jour pour se défendre, et repoussa les accusations dirigées contre lui avec tant d’énergie que les mêmes cardinaux qui avaient condamné le livre des Périls ne purent s’empêcher d’en absoudre l’auteur principal.

Après avoir séjourné quelque temps à Rome, Guillaume de Saint-Amour, qui était malade, prit congé du pape et se disposa à revenir à Paris ; mais, par une de ces manœuvres familières à la cour de Rome, on condamna absent celui que présent l’on avait absous. En arrivant à la frontière, l’intrépide soutien de l’Université trouva donc une bulle d’Alexandre IV qui lui interdisait l’entrée du

  1. Toutefois, dit Henri Estienne dans son Apologie pour Hérodote, en parlant de Guillaume de Saint-Amour, livre 1er, chapitre 39, il faut noter que celuy qui, environ l’an 1260, ne fut que banni, s’il eust été trois cents ans après, il n’eust pas esté quitte à si bon marché ; mais on l’eust fait disputer contre les bourrées et les fagots, aussi bien qu’on a fait à une infinité d’autres depuis cinquante ans. » Henri Estienne ne se doutait pas en écrivant ces paroles qu’il serait lui-même, à cause du livre qui les contenait, condamné au feu, supplice qu’il eut cependant le bonheur d’éviter. Son trop malheureux confrère Étienne Dolet ne fut point aussi habile en 1546.
  2. Voici ce qu’on lit dans Crevier : « Pour ce qui regarde les collègues de Saint-Amour, ils revinrent à Paris, dit un ancien écrivain, avec ignominie. Il y eut ordre à l’évêque de Paris de publier le procès-verbal de leur rétractation, de leur faire exécuter ce qu’ils avaient promis, et, s’ils y manquaient, de les déclarer excommuniés et privés de leurs bénéfices. Il fallut donc qu’ils prêchassent et enseignassent les articles qui Leur avaient été prescrits. Ce fut sans doute une grande humiliation pour ces docteurs. Il paraît néanmoins que l’un d’eux, Chrétien de Beauvais, se réconcilia de bonne foi avec les Dominicains, puisqu’en mourant il voulut être enterré par eux et leur légua ses livres ». Laurent l’Anglois, théologien et régent du collége des Anglais, qui avec Guido Bonatus, et Gérard Sagarello, docteur italien, avait vivement combattu pour l’Université, suivit l’exemple de Chrétien, et, comme dit Duboullay, palinodiam cecinit. Ce qu’il y a de remarquable dans ce fait, c’est qu’il avait pris part à la rédaction du livre des Périls. Quant au dernier des deux autres, qui ne voulut pas se rétracter, il fut brûlé à Parme selon les uns, tandis que, si l’on s’en rapporte aux historiens des ordres mendiants, qui ne l’aimaient guère, il serait mort, par punition divine, frappé de paralysie et de lèpre.