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COMPLAINTE DOU CONTE DE POITIERS.

Hom nos at parlei d’Alixandre,
De sa largesce, de son sans,
Et de se qu’il fist à son tans :
S’en pot chacuns c’il vot mentir,
Nei nos ne l’osons desmentir,
Car nos n’estions pas adonc ;
Mais ce, por bontei ne por don,
A preudons le règne célestre,
Li cuens Aufons i doit bien estre.
Tant ot en son cuer de pitié,
De charitei et d’amistié
Que n’uns ne l’ vos porroit retraire.
Qui porroit toutes ces mours traire
El cuer à .i. riche jone home,
Hon en feroit bien .i. preudome.
Boens fu au boens et boens confors,
Maus au mauvais et terriés[1] fors,
Qu’il lor rendoit cens demorance
Lonc[2] le péchié la pénitance ;
Et il le connurent si bien
C’onques ne li meffirent rien.

Dieux le tanta par maintes fois
Por connoistre queiz est sa fois ;

  1. Ce mot signifie ici non pas : seigneur terrier, c’est-à-dire : qui a beaucoup de terres, mais : seigneur qui est juge d’un territoire. La phrase de Rutebeuf doit donc être traduite par fort justicier. C’est dans le même sens qu’on lit au vers 330e de la Bible Guiot :

    Li quens Philippes qui refu,
    Diex, quel terrier ! Diex, quel escu !

    Ce mot est pris encore dans le même sens par Rutebeuf au 9e vers, 3e strophe (voyez page 57), de la Complainte ou conte Huede de Nevers qui suit celle-ci.
  2. Lonc, selon ; secundum.