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COMPLAINTE OU CONTE DE NEVERS.

Qui à voz tenz nos ert tolue,
Dont j’ai le cuer triste et marri.
La mors ne fait nule attendue,
Ainz fiert à massue estandue :
Tost fait nuit de jor esclarci.
Tornoieur, vos, qu’atendeiz,
Qui la terre ne deffendeiz
Qui est à vostre Créatour ?
Vos aveiz bien les yex bandeiz
Quant ver Dieu ne vos deffendeiz
N’en vos ne meteiz nul atour !
Pou douteiz la parfonde tour
Dont li prison n’ont nul retour[1]
Où par peresce descendeiz.
Ci n’a plus ne guanche ne tour :
Quant la mors vos va si entour,
A Dieu cors et arme rendeiz.

Quant la teste est bien avinée,
Au feu, deleiz la cheminée,
Si nos croizons de plain eslaiz ;
Et quant vient à la matinée,
Si est en cette voie finée.
Teil coutume a et clers et lais,
Et quant il muert et fait son lais,
Si lait sales, maisons, palais
A doleur, à fort destinée.
Lai s’en va où n’a nul relais :

  1. Ce vers n’est-il pas l’équivalent en vieux français de la belle inscription du Dante :
    Lasciate ogni speranza ?