Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome II, 1839.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

M’amme et mon cors met en ta garde ;
Garde que déable ne l’aient[1]. »
...............
Théophilus quarrante jors
En abstinances et en plors
Dedans le temple demora.
Adès gémi, adès oura
A nuz genoz et à nuz coutes ;
Mès cele où les douçors sont totes,
Quant voit qu’il a tant traveillié
Et tant jeuné et tant veillié,
Et quant son cuer a tant d’anui,
Vers mienuit s’apert à lui.
Théophillus tremble et tresue
Tout maintenant qu’il l’a véue
La vission de Nostre-Dame,
Avis li est que feu et flamme
Doie saillir de son cler vis,
Si très clère est, ce li est vis.
Et si le despit et desdaingne
Qu’ele regarder ne le daigne[2],
Ainz dit moult desdeingnesement
Que trop est plainz de hardement
Quant il l’apele ne reclaime,
Car lui ne ses prières n’aime.
« Di, va, fet-ele, renoiez !
Comment ies-tu si forvoiez
Que tu le haut Seingnor apeles
Que j’aletai de mes mameles,
Ne moi ne lui pour toi reclainmes,
Quant tu ne l’un ne l’autre n’einmes ?
Ta puenz gole orde et glueuse
Commant est si présumptueuse
Que moi ne lui apeler ose ?
Di-moi, comment serai si ose
Que mon doz Filz dépri por toi,
Quant as guerpi et li et moi[3] ?
Trop as présumptueus courage,
Quant au déable as fet homage.

  1. Le Ms. 1672 ne contient pas le vers qui devrait rimer avec celui-ci ; et le Ms. 6987 n’en contient aucun des deux, non plus que le Ms. 2710.
  2. Ce vers n’est pas au Ms. 1672.
  3. Ms. 6987. Var. Diu et sa loi.