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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Car je vos ai bien en couvant,
Lerme est si fort quant ele est chaude
Tot le péchié art et eschaude ;
Lerme est si clère et si très fine
Que tout espurge et tot afine,
Et ralumine[1] et resclarcit
Quanque péchié taint et nercist.

« Petit et grant, venez véoir
Comme oroison r’a grant pooir :
Oroisons est pleine de miel,
Oroison tresperce le ciel,
Oroison est douce et piteuse,
Oroisons est si savoreuse.
Quant des lermes est destemprée,
L’ire Dieu a luès atemprée.

« Venez véoir, tuit péchéor,
Comme est plésant au Sauvéor
Et déliteuse afflictions,
Repentence et contrictions ;
Venez oïr en audience
Que c’est de jeune et d’astinance.
Vos savez bien que Moysès
XL. jorz tout près à près
En la montaingne jéuna,
Quant Dex ses tables li dona
Où escrit ot de son saint doi
Les commandemanz de la loi.
Ci bons péchières qui ci gist
Devant la mère Jhésu-Crist,
A jéuné quarante jors
En granz soupirs et en granz plors,
Et la Roïne glorieuse,
Qui debonère est et piteuse
Et qui douce est plus que nul miel,
Racordé l’a au Roi du ciel
Et sa chartre li a randue,
Qu’ai devant lui dite et léue.
Loons-la tuit à une acorde,
Loons sa grans miséricorde,
Loons sa poissance et sa force ;

  1. Ms. 6987. Var. Et tout escure.