Page:Ryan - Les hommes du jour William Cornelius Van Horne, 1892.djvu/19

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la locomotive, il s’écria : « Ça ! c’est le chant de mort du sauvage ! »

Avant le temps fixé par le parlement, le chemin était terminé. On avait réalisé le rêve glorieux d’un chemin de fer transcontinental canadien et, de ce jour-là jusqu’à celui-ci, la compagnie a continué de fonctionner, ne rencontrant que des succès dans ses opérations, jusqu’à ce que, maintenant, ses bras vont s’étendant de Montréal vers l’est jusqu’aux rivages de l’Europe et vers l’ouest jusqu’aux grèves de corail des Indes, enserrant les deux tiers de la surface du globe et révélant à l’imagination ravie un avenir qui dépasse autant les prévisions que les triomphes et les gloires de la civilisation.

L’âme de cette merveilleuse organisation, l’homme dont l’esprit anime son activité et impose un caractère parfait de fonctionnement dans toutes ses ramifications, de qui l’on peut dire que, même dans ses rêves, il s’occupe d’agrandir encore la merveilleuse destinée de son œuvre, c’est M. Van Horne, qui, de pauvre enfant sans protecteur, s’est élevé à l’éminente position qu’il occupe par la seule force de son génie. Quand lord Mount-Stephens abandonna la présidence de la compagnie, M. Van Horne fut élu à sa place et il a continué, depuis, à remplir les fonctions de président et de gérant général.

Quel portrait ferai-je de lui ? Sachant parfaitement combien il a en horreur ce qu’il appelle « notice nécrologique avant la mort, » je sens combien délicate est ma tâche. La définition qu’il a donnée de lui-même : « un homme d’affaires tout d’une pièce, » et que j’ai déjà citée, est assez exacte dans un sens, mais elle manque de ce développement requis dans une étude biographique. Homme d’affaires, il l’est certainement ; mais il domine les autres hommes d’affaires autant que le Mont-Blanc s’élève au-dessus des autres pics des Alpes de moindre grandeur. « Autant qu’il m’en souvienne, ma vie n’offre rien autre chose, » me disait-il un jour, « qu’un travail ardu. »

Ceci nous donne la clef de ses succès. Un grand philosophe a dit que le génie n’est autre chose qu’une grande force de travail, et M. Van Horne est une démonstration vivante de la vérité de cette assertion. Ce fut par le travail, honnêtement et fidèlement accompli, qu’il mérita ses premières distinctions. Ne ressemblant pas à ces jeunes gens qui caressent de grandes ambitions, mais oublient que ce n’est que par un labeur constant et une attention assidue aux devoirs à remplir qu’on arrive à tout ce qui mérite d’être acquis ici-bas, il sut se rendre digne d’avancement par un travail des plus consciencieux. Il