Page:Ryan - Les hommes du jour William Cornelius Van Horne, 1892.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’existence. Cette vérité incontestable, dont la mise en pratique est négligée, dédaignée par tant d’hommes, apparaît d’une manière remarquable dans la carrière de M. Van Horne. Quoiqu’il appartienne à une espèce d’hommes particulière à la phase de civilisation que nous traversons présentement en Amérique, on ne saurait douter que, s’il fût né en d’autres temps et dans d’autres conditions, les mêmes qualités qui l’ont élevé à l’éminente position qu’il occupe aujourd’hui l’auraient placé à la tête de flottes et d’armées puissantes et l’eussent fait l’un de ces hommes fameux qui guident les destinées des nations. La terminaison de la guerre de sécession marque, dans l’histoire de l’Amérique, une époque sans précédent dans les annales du développement de l’humanité. Retrempée, au lieu d’être épuisée par la terrible lutte, la république américaine passa subitement de l’extravagance désastreuse de la guerre à la culture des arts de la paix. Les dangers qui avaient menacé la stabilité de la nation avaient été prévenus et surmontés. C’était l’aurore d’une ère nouvelle. Des armées immenses de soldats s’absorbèrent avec une rapidité merveilleuse dans le domaine des forces industrielles de la république, et celle-ci entra dans une phase de progrès qui, dans l’espace de vingt-cinq ans, a transformé la fortune du continent au-delà de toute imagination, créant de grands états et menant à bonne fin des entreprises colossales sans précédent. Il était naturel qu’une époque de ce genre produisit ses grands capitaines de l’industrie, ses commandants des forces industrielles, sa nouvelle noblesse des grandes entreprises dont les droits aux distinctions sont aussi bien fondés, par leur capacité à gérer, à diriger des influences énormes, soudainement mises en opération, que ceux des rois et des nobles de l’Europe qui tiraient leurs titres de noblesse de leurs exploits à la guerre. Il y a des esprits dirigeants dans chaque nation, et, à chaque phase de son développement, une nation industrielle produit ses capitaines de l’industrie, par suite du même progrès naturel qu’un peuple guerrier enfante ses commandants militaires. L’ordre intellectuel est le même dans les deux cas, à cette différence près que des circonstances différentes dirigent leur énergie dans l’accomplissement de desseins variés. Le monde a été si longtemps habitué à regarder comme les plus grands héros les hommes qui avaient gagné le plus de batailles et poussé le plus loin leurs conquêtes, qu’il est peu préparé encore à admettre les revendications des nouveaux aspirants à la renommée