Page:Ryner - Des diverses sortes d’individualisme, 1922.djvu/22

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la quantité de mauvaise foi qu’apporte dans la discussion même les gens de bonne foi, il m’est arrivé de refuser à des nietzschéens le nom d’individualistes parce qu’ils me refusaient à moi-même le titre disputé.

Au fond, il y avait une âme de vérité dans le besoin qu’ils éprouvaient de me refuser la qualification dont ils se glorifiaient et dans le besoin que j’éprouvais moi-même de les rejeter hors du cercle individualiste.

Je leur disais : « À qui ne respecte pas tous les individus, je refuse le nom d’individualiste. Or, le nietzschéisme ne respecte pas tous les individus. Le nietzschéisme, morale de maître, admet nécessairement des esclaves. Nietzsche dit lui-même insolemment : « Pour tout renforcement, pour toute élévation du type homme, il faut une nouvelle espèce d’asservissement. » Et il demande à plusieurs : « Es-tu quelqu’un qui avait le droit de s’échapper d’un joug ? Il y en a qui perdent leur dernière valeur en quittant leur sujétion. » Le nietzschéisme écrase un certain nombre d’individus ; il ne respecte pas tous les individus ; en un certain sens, il renonce à l’individualisme. »

Mais le maître lui-même restera-t-il un individu ? Le maître dépend de l’image que l’esclave se fait de lui ; il ne reste le maître qu’à condition de frapper l’esprit de l’esclave soit de terreur, soit d’amour, et de le tromper. Cette nécessité ne le fait-elle pas dépendant et esclave de tous les esclaves ?

Napoléon 1er, dans le fameux dialogue inconnu d’Alfred de Vigny, s’écrie :

« Quelle fatigue ! Quelle petitesse ! Poser ! toujours poser ! de face pour ce parti, de profil pour celui-là,