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de courir à n’importe quelle volupté, je serais encore bien esclave. Je me jetterais souvent sur un appât qui cacherait un piège et déclencherait un ressort de douleur ; je passerais ma vie dans les regrets, dans l’inquiétude, dans les tourments.

Mais aucun individualiste n’a entendu ainsi l’amour du plaisir. Le plus ancien historiquement, le fondateur de la doctrine, Aristippe déclare déjà que la grande vertu du philosophe est la maîtrise de soi. Il disait : « Je possède Laïs ; elle ne me possède pas ». Cette maîtrise de soi peut créer une certaine liberté et un individualisme durable.

Épicure va beaucoup plus loin. L’analyse des désirs telle qu’Épicure l’a faite est un des chefs-d’œuvre de la philosophie de tous les temps. Épicure distingue en nous trois sortes de désirs. Les uns sont naturels et nécessaires, comme le besoin de manger ou comme la soif. D’autres sont naturels sans être nécessaires, comme le désir de varier mes aliments. D’autres enfin ne sont ni naturels ni nécessaires, comme le désir de porter un bout de ruban à sa boutonnière ou d’asseoir ses fesses sur un fauteuil d’Académie.

Épicure nous dit :

Il faut satisfaire les désirs naturels et nécessaires. En les satisfaisant nous obtenons des plaisirs absolus, des plaisirs qui ne peuvent pas être augmentés. J’ai faim et je mange selon ma faim ; j’ai soif et je bois selon ma soif : voilà des plaisirs inaugmentables. Mais, si nous nous en tenons aux désirs naturels et nécessaires, il faut si peu de chose pour être heureux.

Les désirs naturels et non nécessaires, comme l’amour,