Page:Ryner - Des diverses sortes d’individualisme, 1922.djvu/25

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comme le goût de la variété dans les aliments ou les boissons, ne nous donnent pas un plaisir réel ; ils apportent de la variété dans le plaisir, mais ne créent pas de plaisirs nouveaux. Il faut les satisfaire quand l’occasion nous offre facilement leur objet ; il faut les mépriser dès qu’il nous engageraient dans quelque embarras et dans quelque difficulté.

Les désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires sont nos ennemis. Ceux-là, il faut nous en débarrasser complètement. Sans quoi nous ne pouvons espérer aucun bonheur ni aucune liberté. Le désir des honneurs n’est jamais satisfait. Quand je suis chevalier de la Légion d’honneur, je veux être officier : quand je suis officier, je veux être commandeur ; quand je suis commandeur, il me faut la plaque — je crois que ça s’appelle la plaque — de grand-officier. Plus j’ai l’argent plus j’en veux. M. Loucheur, quand il est arrivé à son premier milliard, fut tourmenté du besoin d’avoir son second milliard beaucoup plus que je ne peux être tourmenté par la recherche des quelques francs dont j’ai besoin. Ces basses démangeaisons s’exaspèrent à être grattées.

Ainsi, dit Épicure, satisfaisons les désirs naturels et nécessaires. Satisfaisons, quand l’occasion n’est pas difficile, les désirs naturels et non nécessaires. Supprimons complètement en nous les désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires. Cette méthode nous rendra heureux autant que peuvent l’être les dieux que nous imaginons. Lorsque je n’ai pas faim et que je n’ai pas d’indigestion, lorsque j’ai mangé à ma faim et pas plus que ma faim, lorsque je n’ai pas soif, lorsque je ne souffre de rien, lorsque je